La dépression est fréquente chez les athlètes de haut niveau. Elle reste souvent invisible en raison de la pression constante.
La dépression chez les sportifs de haut niveau a longtemps été un sujet tabou. Ils subissent une forte pression sociale et professionnelle, les incitant à cacher leurs problèmes mentaux. Ils craignent d’être perçus comme faibles ou de nuire à leur carrière. « C’est un sujet qu’on n’évoque pas beaucoup dans le vestiaire, je pense que oui c’est tabou« , exprime le joueur professionnel de football de Limassol, Quentin Boisgard.
Cependant, avec le temps, une prise de conscience s’est développée chez les athlètes, reconnaissant que la pression constante peut entraîner des problèmes de santé mentale. Les sportifs sont confrontés à la pression médiatique, des résultats et des supporters. À cela s’ajoute la pression liée aux blessures, qui complique encore leur parcours.
« Des moments très compliqués, j’en vis un actuellement avec ma blessure. J’ai une blessure qui a du mal à se remettre et c’est très compliqué. Pour moi, c’est le moment le plus difficile de ma carrière », révèle le milieu de terrain, avant de poursuivre. « Il y a des joueurs qui sont moins bien et parfois même qui sont en dépression mais ils ne le montrent pas forcément. Je pense qu’il y a un ego qui se met en place surtout dans le milieu du foot. C’est très difficile de montrer tes émotions en disant que tu n’es pas bien ou tu te sens moins bien. Ça peut faire acte de faiblesse et dans un vestiaire c’est un peu mal perçu. »
Le football, l’un des sports les plus touchés par la dépression ?
« Je pense que dans le basket, nous sommes beaucoup moins touchés par la pression médiatique et donc la dépression que dans le football, par exemple », insiste le basketteur professionnel de Jeanne d’Arc Dijon, Axel Julien. Les joueurs de football sont soumis à de fortes pressions liées à la performance, aux attentes des supporters et à la critique des médias. De plus, l’instabilité de leur carrière professionnelle peut également engendrer du stress et de la détresse émotionnelle.
Très récemment, le monde du football a notamment été touché. Fin septembre 2023, le milieu de terrain de l’OGC Nice, Alexis Beka Beka, était proche de commettre l’irréparable avant d’être heureusement pris en charge sain et sauf. Cet événement pas loin de devenir tragique a touché beaucoup de gens dans le monde du sport et du football notamment. « Ça nous a un peu tous choqués dans le vestiaire et surpris même. C’est assez incroyable d’en arriver là et je pense que le joueur n’a jamais montré aucun signe », conclut Quentin Boisgard. Des recherches menées par la Fédération internationale des associations de footballeurs professionnels (Fifpro) montrent que 38 % des footballeurs souffrent de symptômes dépressifs. Ce phénomène survient à un moment donné de leur carrière.
De nombreux footballeurs professionnels ont parlé ouvertement de leurs luttes contre la dépression et d’autres problèmes de santé mentale. Ces discussions ont aidé à réduire la stigmatisation autour de ces problèmes et à sensibiliser le public aux défis des athlètes de haut niveau. La dépression touche plusieurs sports mais le football, en raison de sa popularité mondiale est particulièrement exposé. Les problèmes de santé mentale des footballeurs sont ainsi souvent largement médiatisés.
Des initiatives pour soutenir les athlètes
De nos jours, de nombreuses organisations sportives proposent des programmes de soutien pour aider les athlètes à gérer leurs problèmes de santé mentale. Ces ressources visent à offrir un accompagnement adapté aux défis rencontrés par les sportifs. « Même s’il y a une amélioration, la dépression reste un sujet sensible », déclare Julien Ralite, psychologue du sport de Troyes. Les ligues professionnelles, les équipes et les comités olympiques reconnaissent l’importance du bien-être mental des sportifs. Ils encouragent activement les discussions sur ce sujet.
« Il serait judicieux d’instaurer des psychologues dans chaque club sportif le plus tôt possible. On voit cela de plus en plus dans des grands clubs, mais la limite reste le budget… Aujourd’hui, nous préférons mettre de l’argent pour le travail athlétique, avec des résultats palpables plutôt que de l’argent pour le travail mental car nous ne pourrons pas voir les résultats, je parle d’un point de vue visuel », insiste Jason Béchet, préparateur physique de la réserve de football de Grenoble. En effet, les clubs avec un budget moindre n’ont pas toujours la possibilité d’engager un psychologue du sport.
Les jeunes particulièrement vulnérables
Le suivi de la santé mentale des athlètes est désormais moins tabou qu’il y a quelques années. Il est même devenu nettement plus professionnel. « Dans le football, quasiment tous les clubs professionnels ont un préparateur mental. Par exemple moi, je suis dans une phase compliquée, il est venu parler avec moi pour discuter, pour échanger, à savoir mon ressenti et comment je me sentais », raconte Quentin Boisgard.
Les ligues professionnelles, les équipes et les comités olympiques reconnaissent l’importance du bien-être mental des sportifs. Ils soutiennent activement les discussions sur le bien-être mental des sportifs. Le psychologue du sport aide à gérer les défis mentaux associés à ces situations. Le psychologue du sport joue un rôle essentiel dans l’amélioration de la performance des athlètes. Il prend également en compte leur contexte pour préserver leur santé mentale et leur bien-être.
« C’est un entretien classique de psychologie, je dirais, qu’on peut avoir en cabinet, de 45 min à 1 heure, parfois une demi-heure, durant lesquels on va pouvoir travailler la problématique de différentes manières. Ça peut être de tout pour la préparation mentale, des exercices de respiration, d’imagerie mentale ou d’autres choses », souligne Julien Ralite.
« Ces jeunes qui entrent le monde « amateur » et le monde professionnel, cela peut créer une dépression. C’est dans le droit du travail d’accompagner les jeunes dans une démarche de patience un peu car ils ne vont pas intégrer le groupe pro tout de suite », poursuit le jeune homme. Les jeunes sportifs sont plus vulnérables à la dépression en raison de l’incertitude sur leur avenir professionnel. La pression intense pour réussir peut entraîner anxiété et stress.
Le rugby, un sport encore marqué par la masculinité
Bien que le football soit toujours fortement touché par la dépression, de plus en plus de joueurs s’expriment dans les médias. Ils partagent leurs expériences et les moments difficiles qu’ils ont traversés. Dans d’autres sports comme le rugby, parler de dépression ou de difficultés est encore moins facile. C’est ce qu’affirme Bertrand Lartet, préparateur physique d’Agen Rugby. « Ça reste un milieu assez masculin et viril dans le sens un peu obscur de la chose. C’est-à-dire qu’il faut montrer de la virilité. Il ne faut pas montrer de faiblesse. Nous avons eu un cas récemment où un joueur traversait une période très difficile et commençait à sombrer. C’est d’ailleurs là qu’on s’est rendu compte que les jeunes arrivaient plus à comprendre ce qui lui arrivait que les anciens du vestiaire ».
D’après le préparateur physique du club en Pro D2, les jeunes peuvent être davantage sensibilisés à la dépression. « Les jeunes d’environ 18-22 ans ont peut-être plus de sensibilité dessus. Les joueurs actuels sont plus ouverts à accepter les faiblesses de leurs coéquipiers, contrairement à certains anciens. Je pense que c’est une question de génération. »
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